Comment dire le silence ? Les mots expriment notre monde, nos expériences, donnent une continuité au temps. Or, le silence est sans origine et sans finalité. Il est impossible de l’expérimenter, de lui donner une continuité, car il n’est pas dans le temps. Il était déjà là au commencement du monde, au jaillissement de la vie.

Les mots voilent, ne sont pas adaptés à cette réalité, à la Réalité, qui n’existe pas pour le langage, pour la raison, pour l’entendement humain.

Nous ne parlerons pas ici du silence absence de bruit, du silence absence de bavardage mental. Ce qui est produit par notre activité ou par la projection de la pensée peut être rompu. Pas le silence. Il s’agit ici du silence de la conscience, de l’espace au sein duquel le moindre mouvement qui en émerge reflète sa source. Il s’agit du silence qui nous invite à l’écoute, qui lui seul peut donner la réponse qui attend d’être découverte dans nos profondeurs.

Lorsque notre attention sensible et vigilante, libre de toute attente, nous fait accueillir spontanément chaque fait, chaque perception sans les colorer par des jugements, nous sommes naturellement dans l’énergie consciente de la vie. Ressentons la puissance de vie à l’origine de chaque manifestation… La paix – autre mot pour dire le silence – qui se découvre alors en est sa substance. Seul un esprit réellement silencieux permet ce contact subtil avec l’énergie de la vie qui est en mouvement à chaque instant.

Pas de méprise : ce n’est pas l’esprit qui crée le silence, puis le retient, sinon c’est un endormissement. L’esprit silencieux naît de la lucidité, de l’écoute vigilante de ce que nous dit la vie, de l’attention souple à chaque mouvement de la pensée, à son origine et à sa nature vides. Cet esprit-là est libre, sans autocontrôle. Il a donc de l’espace, du vide, nécessaires au déploiement du silence. Il n’y a pas de silence sans espace, sans l’immensité d’une conscience consciente d’elle-même, qui accueille tout sans que rien n’en soit altéré. La pensée ne peut concevoir cet espace libre, qui est le cœur de notre être, jamais né, jamais mort. Ce qui en jaillit spontanément ne laisse aucun résidu. Lorsque nous retournons notre regard vers nos profondeurs, vers notre désert intérieur, dans un état d’ouverture totale, nous sommes naturellement dans cet espace. Notre oreille s’ouvre, nous vivons le silence. Nous sommes retournés à nos origines, au noyau éternel qui fonde notre être. Vide et. Plénitude. Évidence de l’Un.

Extraits du texte de Nicole Montineri paru dans Revue 3e Millénaire n° 106 Hiver 2013 –